Chers
vous tous,
Aujourd'hui,
dans chacune des communes de France, il est rendu un hommage solennel
à toutes les victimes de la Seconde Guerre Mondiale et aux
vainqueurs de cette grande tragédie. Ce rassemblement est d'abord
l'occasion de rendre hommage aux anciens combattants, de témoigner
notre reconnaissance éternelle à toutes ces femmes et à tous ces
hommes, venus d'horizons et de pays différents, morts pour la
France, au nom de la liberté, pour notre liberté à tous !
Dans
la liesse d'une vie redevenue possible, les joies et les pleurs se
sont mélangés. Notre mémoire populaire porte le deuil de 55
millions de victimes, de pères, de mères, de frères, de sœurs,
d'enfants victimes d'une pensée terrible, une pensée fasciste. En
Europe comme en Asie et en Afrique, le coût humain de ces six années
fut effroyable. Aux victimes que je viens d'évoquer, il fait ajouter
35 millions de blessés, 3 millions de disparus, 1,5 millions de
personnes tuées par bombardements aériens, 30 millions de civils
tués parmi lesquels 6 millions de juifs exterminés pour la seule
raison d'être nés juifs et environ 220 000 tsiganes sur le million
vivant en Europe à cette époque. Pour la première fois dans
l'histoire de l'Humanité, cette guerre fit plus de victimes civiles
que militaires.
« Plus
jamais çà ! » Cette formule retentit en France quand le
8 mai 1945 fut signé à Berlin l'acte solennel de capitulation qui
mit fin à la seconde guerre mondiale. Ainsi ces années de terreur,
de souffrance et de douleur prirent fin.
Cette
commémoration représente pour nous un double devoir. Un devoir
envers notre passé et surtout un devoir envers notre avenir et je
l'affirme avec force un devoir de plus en plus inévitable dans le
contexte que nous vivons aujourd'hui.
Devoir
envers notre passé car cette guerre s'éloigne et ceux qui l'ont
subit sont de moins en moins nombreux. Et pourtant elle sera toujours
un pan de l'Histoire, un pan de notre histoire. Ces années de guerre
ont montré ce que des hommes étaient capables de faire, au nom de
leur nation, au nom de leur frontière, au nom de leurs convictions
et parfois même au nom de rien du tout. Nous devons nous souvenir de
toutes ces vies perdues et de celles qui ont continué malgré les
drames, malgré la douleur, malgré tout...
Devoir
envers notre avenir pour lancer chaque année à l'occasion de
cette commémoration non seulement un message de vigilance pour la
paix dans le monde mais aussi et surtout une vigilance quotidienne
pour défendre les valeurs telles que celles du respect de l'autre,
de sa différence et la tolérance.
Il
est de notre devoir, au nom de notre mémoire collective de dénoncer
partout dans le monde les tentatives de retour du fascime, du
racisme, de l'intégrisme, du terrorisme et de toutes atteintes aux
droits de l'Homme.
Sur
la tombe de mes gens
Je
reverrai le jardin où j'ai laissé reposer les corps des miens un
beau matin
Je
retrouverai aussi ces braves qui nous cachaient de la fin
Je
leur chanterai qu'on s'en rappelle toujours au nom de tous les miens
Sur
la tombe de mes gens
Je
reverrai le chemin
Le
long couloir du désespoir,
Le
grand exode, le long chemin
Et
au bout toujours l'animal qui a changé mon destin
L'animal
qui, fatigué, m'a dit va, je laisse le plaisir au prochain
Sur
la tombe de mes gens
Sur
la tombe de mes gens
Je
reverrai mon pays
Les
mille collines et les vents chauds
Et
les rues où j'ai tout appris
Je
retrouverai mes vieux amours
Et
ma première fois, peut-être, celle que j'aimerai toujours
Mais
qui je crois, ne doit plus être
Sur
la tombe de mes gens
Je
me reverrai petit homme
Grand
de cœur et de courage
Mais
tout petit comme tous les hommes
Prendre
de l'élan sans recul
Pour
se défaire d'un passé trop lourd
Sans
savoir que l'heure viendra
Où
il faudra qu'il y retourne
Sur
la tombe de mes gens
Sur
la tombe de mes gens
Vais-je
enfin pleurer de peine ?
Vais-je
en vouloir à la terre d'avoir laisser vaincre la haine ?
Vais-je
vouloir leur faire la peau à ces maudits fils de chiennes
Les
grands comme les petits bourreaux
Où
vais-je rester quoi qu'il advienne ?
Sur
la tombe de mes gens
Sur
la tombe de mes gens
Il
faudra bien qu'on y retourne un jour
Sur
la tombe de mes gens
Avec
ces paroles du chanteur Corneille,il me semblait évident de lier la
commémoration du 8 mai à celle du génocide rwandais commis entre
avril et juillet 1994.
Le
chanteur Corneille auteur de l'émouvant texte que je vous ai lu a
passé son enfance au Rwanda. Il a 17 ans lors du génocide. Sa mère
est Hutu et son père Tutsi. Un groupe armé entre dans la maison
familiale, et tue ses parents ainsi que ses frères et sœurs.
Corneille assiste au massacre, il survit car il s'est caché derrière
un canapé. Il s'enfuit au Zaïre à des jours de marche du Rwanda et
trouve refuge chez un couple allemand, ami de ses parents qui
veillera sur lui et lui réapprendra à vivre malgré les souvenirs
d’horreur.
20
ans, 20 années où a eu lieu le génocide le plus meurtrier et le
plus rapide du monde. plus d'un millions de rwandais en majorité
tutsis, Ceux qui parmi les Hutus se sont montrés solidaires des
Tutsis ont été tués comme traîtres à la cause hutu, plus d'un
million de rwandais furent massacrés par des soldats mais aussi par
leurs voisins et parfois même leurs frères pour la seule raison
d'être nés Tutsis. Est ce que cela n'a pas une résonance pour
vous ? Face à ces massacres, la confiance en l'Humanité peut
être ébranlée. Quel processus engendre ces horreurs ? Le même
pour le génocide rwandais et la 2° guerre mondiale. La folie, la
folie d'un homme mais pour de tels drames, on ne peut pas résumer
cette folie à un seul homme, c'est la folie des hommes, la folie
d'un groupe face à un autre groupe. Ce groupe devient une seule et
même personne face à un seul et même ennemi juste un peu différent
de soi et un seul objectif détruire l'autre car il est mauvais ou
dangereux.
Rendez
vous compte ce que des crises politiques ou religieuses ont pu
engendrer à 50 ans d'intervalle. Aujourd'hui, je ne mets en lumière
que ces événements-là mais vous n'avez qu'à chercher dans
l'Histoire pour en trouver des tas d’autres avec le même
processus. C'est à l’État, c'est à nous, citoyens, d'éviter au
maximum ce processus s'insinuant dans le quotidien en particulier
dans les périodes difficiles de crises. C'est à nous, êtres
humains, de savoir mettre des limites à certains propos ou gestes
qui peuvent sembler amusants voire futiles et qui pourtant sont
porteurs de tant de haine et d'intolérance.
Pour
terminer et comme je l'avais fait le 11 novembre dernier, à
l'occasion de cette cérémonie, au nom du conseil municipal de M-A,
je souhaite exprimer mon soulagement et mon bonheur pour la
libération de Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et
Pierre Torrès.
A
la mémoire de nos résistants, à la mémoire de nos soldats de la
guerre 1939-1945, à la mémoire de nos morts pour la France, à la
mémoire de toutes les victimes des génocides mondiaux, à la
mémoire de l'otage français Gilberto Rodriguez Leal, à la mémoire
de ceux qui sont morts et meurent encore aujourd'hui sous les coups
de l'intolérance, de la folie, à la mémoire de tous ceux qui se
sont engagés et qui s'engagent de nos jours, je vous demande de
respecter une minute de silence.