Bienvenue sur mon blog!

Élue maire depuis 2 ans le 14 mars 2010, j'ai eu envie de raconter cette aventure sur un blog.
Certains autres Maires ont leur blog alors je me suis dit: Pourquoi pas moi? Voilà, c'est fait: j'attends vos commentaires, vos impressions et tout et tout...

En effet, c'est une véritable aventure que je vis depuis 2008! Une aventure humaine incroyable et une aventure personnelle passionnante!

dimanche 8 mai 2016

Mon discours du 8 mai 2016

Une fois n'est pas coutume, j'ai envie d'exprimer en ce 8 mai 2016, ma fibre féministe issue des formidables femmes de ma vie et de la vie en général, ces femmes qui sont des exemples pour des femmes d'aujourd'hui, en France, en Europe et dans le Monde.

Je voudrais qu'on pense à toutes ces femmes qui ont connu la deuxième guerre mondiale directement ou indirectement, celles qui étaient en plein cœur de ces atrocités, celles qui attendaient ou qui attendraient toujours, éternellement un enfant, un amour qui ne reviendrait jamais.

Je voudrais penser à celles qui ont fait des actions qu'elles regretteront à jamais mais qu'elles étaient obligées de faire pour vivre, juste pour vivre.

Je voudrais avoir une pensée pour ces femmes rusant pour obtenir des bons alimentaires pour leurs enfants ou leurs aînés.

Je voudrais penser à ces images de femmes juives tondues juste parce que leur religion ne convenait pas à certains

Je voudrais penser à ces femmes ou ses filles emportées dans des trains de nuit, wagons de l’horreur vers des camps de concentration qui seraient leur dernier lieu de vie et les plus grandes victimes ce sont ces mères juives contraintes d'assister dans les camps de la mort, à la torture et à l’assassinat de leurs jeunes enfants

Je voudrais me souvenir de ces jeunes femmes sélectionnées sur des critères raciaux précis (les cheveux blonds et les yeux bleus) entraînaient dans des centres de reproduction forcée et donnant naissance à des bébés qui seraient par la suite envoyés dans des familles allemandes ou des centres de contrôle aux conditions d'éducation strictes et orientés.

Je voudrais avoir une pensée pour Edmonde Charles Roux, décédée le 20 janvier dernier et qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, fut infirmière ambulancière volontaire dans une unité de la Légion étrangère. En 1940, pendant l’invasion de la France, elle est blessée à Verdun en portant secours à un légionnaire. Ensuite, elle intègre la Résistance, toujours comme infirmière. Après le débarquement de Provence d’août 1944, elle est rattachée à la 5e division blindée où elle exerce encore comme infirmière mais aussi comme assistante sociale divisionnaire. Elle a sous sa tutelle le 1er régiment étranger de cavalerie et le régiment de marche de la Légion étrangère. Décorée de la Croix de Guerre, avec plusieurs citations, elle est faite chevalier de la Légion d'honneur en 1945.

Je voudrais me souvenir, plus personnellement de deux des femmes de ma vie qui, chacune ont vécu, à quelques kilomètres de distance, des moments difficiles lors de la seconde guerre mondiale.

Andrée Genolher, 21 ans au début de cette guerre, était placée dans une demeure d'Atuech qui fut réquisitionnée par les Allemands. Quand elle me parlait rarement de cette période, c'était toujours en discrétion, à voix basse de peur que des voisins ou mon grand-père n'entendent et revivent ces mauvais souvenirs. Elle me disait toujours, sans doute pour me rassurer qu'ils, sans jamais les nommer, qu'ils avaient été gentils avec elle et toujours elle me parlait d'un soldat allemand qui, un jour, avait sorti une photo pour lui montrer sa femme et son enfant dont il n'avait pas de nouvelles. C'était un peu comme si ma grand mère voulait me dire que tout le monde avait été malheureux dans cette guerre, c'était comme si, comme à son habitude, elle pensait aux autres avant de penser à elle et à ce qu'elle avait pu vivre.

Lucie Estienne, 23 ans, le jour où elle a croisé l'horreur. Ce drame se situe au lieu dit Bézut, vers Euzet les Bains. Le mercredi 23 août 1944, vers midi, le village d’ Euzet les Bains est en liesse car il reçoit un groupe de maquisards qui sentant une victoire proche pavoisent d’un drapeau tricolore le premier étage de la mairie. La joie est générale, c’est la fin de l’occupation, de la guerre et des privations.
Hélas, le rêve passe très vite, vers 15h, un détachement de cyclistes allemands est signalé vers Montaren se dirigeant vers Euzet les bains. Les maquisards et quelques Euzétiens se portent aux limites ouest de la commune, s’embusquent et livrent un court combat. Il y a des pertes chez l’ennemi surpris, mais le docteur Chabaud, le chef des camisards est blessé et deux résistants sont tués.
60 ans plus tard, je conduisais ma grand mère vers Uzès et tout naturellement, les yeux dans le vague, elle m'a déclaré : « j'ai failli mourir ici le 23 août 1944 » Et elle m'a raconté en quelques mots sa version de l'Histoire. Elle était en vélo et a croisé le détachement de cyclistes allemands qui lui ont dit poliment « Bonjour Mademoiselle » Elle leur a répondu poliment aussi mais avec un cœur battant à 200 à l'heure. Les jambes flageolant, elle était décidée à aller prévenir les habitants d'Euzet, elle n'a pas eu le temps c'est alors qu'elle a entendu les coups de fusil cinq minutes après avoir croisé les Allemands.

Comment s'imaginer que les personnes qu'on aime du fond du cœur et qui sont, là, juste à côté de soi, puissent avoir vécu ces horreurs ?
Voilà, pourquoi il est essentiel de se souvenir, de raviver ses souvenirs quand on sent que c'est le moment et surtout de transmettre cette mémoire, la mémoire de ceux qui ont vécu et qui ne sont plus là, transmettre pour ne pas reproduire...

Aujourd'hui, 71 ans après, j'ai souhaité raviver un peu le souvenir de toutes ces femmes, celles que j'ai citées et toutes les autres, non pas pour vous montrer l'émotion qui est la mienne mais juste pour se remémorer ces atrocités, ces horreurs mais aussi ces magnifiques élans de solidarité, de respect, de tolérance et de fraternité.

Pour conclure, je voudrais penser à une autre grande résistante, Lucie Aubrac qui, à la libération, créa la revue féministe « La Femme » dans lequel figure entre autre un reportage sur le camp des femmes de Ravensbrück, reportage écrit par Simone Saint Clair également déportée dans ce camp. C'est sans doute l'un des tout premiers témoignages parus sur les camps de concentration. Elle inséra dans sa revue cette conclusion : « Cette paix sanglante et heureuse comme une nouvelle accouchée, nous allons bien la soigner, la fortifier et l'aimer. Tellement l'aimer avec notre labeur et nos désirs joyeux que jamais les petits enfants de Londres, Rouen, Berlin, Leningrad ou Shangaï ou même Massillargues-Atuech ne reconnaîtront l'horreur des caves sous les bombardements, les parents assassinées, la faim, la saleté, toute la fureur guerrière et imbécile du fascisme »
J'avais besoin en ce 8 mai 2016 de vous exprimer tout cela et de terminer sur ces paroles de Simone Saint Clair : «  cette paix sanglante et heureuse... nous allons bien la soigner, la fortifier et l'aimer. » En effet, j'ai l'impression que dans les jours que nous vivons de nombreux pans de notre Histoire avec un grand H s'oublient, il me semble que cette paix nous ne la soignons pas suffisamment, que nous oublions dans nos rapports avec l'Autre de la fortifier et malheureusement le fait d'oublier notre mémoire collective, notre mémoire individuelle engendre que nous n'aimons plus cette paix et surtout que nous ne l'aimons plus suffisamment pour la rendre moins fragile et moins délicate.

En mémoire à toutes les femmes d'ici et d'ailleurs, à celles d'aujourd'hui, à celles d'hier qui se sont battus et se battent pour notre liberté à nous tous, femmes et hommes, êtres humains
En mémoires aux victimes du terrorisme, aux victimes des attentats en Belgique, en mémoire aux malheureux et aux morts en Syrie, en soutien aux migrants qui vivent des moments tragiques qui font résonance à des situations de la 2° guerre mondiale, en soutien à eux qui sont appelés migrants juste car ils ont dû quitter leur pays car ils étaient poursuivis, exterminés et qu'ils n'avaient plus de liberté ;
A la mémoire de nos résistants, à la mémoire de nos soldats de la guerre 1939-1945, à la mémoire de nos morts pour la France, à la mémoire de ceux qui sont morts et meurent encore aujourd'hui sous les coups de l'intolérance, de la folie, à la mémoire de tous ceux qui se sont engagés et qui s'engagent de nos jours pour notre liberté, je vous demande de respecter une minute de silence.