Bienvenue sur mon blog!

Élue maire depuis 2 ans le 14 mars 2010, j'ai eu envie de raconter cette aventure sur un blog.
Certains autres Maires ont leur blog alors je me suis dit: Pourquoi pas moi? Voilà, c'est fait: j'attends vos commentaires, vos impressions et tout et tout...

En effet, c'est une véritable aventure que je vis depuis 2008! Une aventure humaine incroyable et une aventure personnelle passionnante!

vendredi 8 mai 2015

Mon discours du 8 mai

« La guerre est gagnée ! Voici la Victoire ! C'est la victoire des Nations unies et c'est la victoire de la France ! L'ennemi allemand vient de capituler devant les armées alliées de l'Ouest et de l'Est...
Tandis que les rayons de la gloire font, une fois de plus, resplendir nos drapeaux, la patrie porte sa pensée et son amour d'abord vers ceux qui sont morts pour elle, ensuite vers ceux qui ont, pour son service, tant combattu et tant souffert ! Pas un effort de ses soldats, de ses marins, de ses aviateurs, pas un acte de courage ou d'abnégation de ses fils et de ses filles, pas une souffrance de ses hommes et de ses femmes prisonniers, pas un deuil, pas un sacrifice, pas une larme, n'auront donc été perdus ! »
Il est 15h le 8 mai 1945 lorsque le Général de Gaulle sur les ondes fait cette déclaration. En même temps, les cloches des églises retentissent dans toutes les communes de France.

Lors d'une commémoration des 70 ans de la libération du camp de concentration de Dachau, devant les derniers déportés encore en vie, la chancelière allemande Angela Merkel a appelé « à ne jamais fermer les yeux » en insistant sur le devoir que nous avons de ne jamais fermer les yeux ou les oreilles face à ceux qui injurient, menacent ou agressent ceux qui disent qu'ils sont juifs »
Ne jamais fermer les yeux ni les oreilles et garder bien intact les souvenirs d'histoire de notre enfance : une crise importante, des gens qui ne croient plus en rien ni en personne et Hitler qui, tranquillement, arrive au pouvoir.

Toute commémoration du 8 mai ou du 11 novembre est particulière. Cette année, 70 ans après, suite aux attentats dans les locaux de Charlie Hebdo, suite aux événements dans l'hypermarché Casher, suite à l'attentat raté envers une église et suite au décès d'Aurélie à Villejuif, cette cérémonie prend une connotation douloureuse et accablante. Je sais que vous ne m'en voudrez pas d'insister sur l'ensemble de ces points. La peur de l'autre est le point commun à ces tragédies. La peur de l'autre, la peur de ses crayons, la peur de ses stylos, la peur de sa liberté d'expression, la peur de sa religion, la peur de sa liberté de conscience, les peurs en tout genre engendrent ces tragédies humaines.

Je comprends que les gens aujourd'hui soient perdus comme ils pouvaient être perdus avant la deuxième guerre mondiale cependant il faut se souvenir toujours de ce que la peur de l'autre, la peur de sa religion, la peur de sa couleur peuvent engendrer si nous n'y prenons pas garde. Ici, près des Cévennes, cette peur de l'autre, cette peur de religion rappelle là aussi un autre événement historique dont nous célébrons en 2015 le tricentenaire de sa fin : la guerre des Camisards. Même cause, même effet ! Cette guerre des religions, ses causes, ses conséquences et l'air de liberté qu'elle a insufflé sont essentiels pour notre territoire et surtout sont essentiels pour notre liberté de conscience.

Un choc moral sans précédent, la stratégie de la terreur, la découverte incessante de nouveaux charniers, le désarroi face à l’étendue des souffrances, l’incompréhension devant l’horreur de l’univers concentrationnaire et le sentiment d’épouvante attaché à la conscience progressive du génocide expliquent la violence, la profondeur et les effets durables du choc moral provoqué par la deuxième guerre mondiale.
Les années de guerre ont appris à vivre dans un environnement quotidien de violences aveugles, de traitements inhumains, de haine raciale, d’agressions, de contournements de la règle et de comportements en marge de la loi qui ne surprennent plus. La banalisation du pire appartient à l’héritage tragique de la Seconde Guerre mondiale.
La guerre totale et sa dimension planétaire bouleversent l’état du monde. L’hécatombe la plus meurtrière de l’histoire provoque un traumatisme tel qu’il conduit les Alliés à traduire les responsables de l’Axe devant des tribunaux militaires internationaux. La volonté de construire un nouvel ordre du monde, qui établirait les conditions d’une paix durable, débouche sur la création de l’Organisation des nations unies (ONU) en juin 1945. L’énormité des moyens de destruction à l’œuvre sur plusieurs continents, les massacres restés inconnus, le mélange, chez les victimes, de civils et de militaires aux statuts parfois mal définis, sont quelques-unes des raisons qui rendent impossible un décompte précis des morts. Cependant, on peut annoncer 60 millions de morts dont 35 millions de civils. Des drames, des morts, des blessés physiquement et psychologiquement marquent donc la seconde guerre mondiale.

Ma question de ce jour qu'on dit de victoire est le temps, la durée du pardon. 70 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, on peut se demander combien de temps faudra t-il pour que chacun puisse pardonner à l'autre. 70 ans après, les protagonistes de ces terribles jours sont grands parents et arrières grands parents. Qu'ils soient français, allemands, combien de temps faudra t-il pour pardonner, accepter le pardon, présenter des excuses ? Faut il qu'aujourd'hui les petits enfants, les arrières petits enfants des acteurs de cette tragédie portent en eux les stigmates de ces années de barbarie et de revanche ? Je ne vais pas vous apporter de réponses à ces questions. Je vous laisse juste la réflexion : « Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt sur les ruines d'un champ de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand? Bercé d'humiliation, de haine et d'ignorance, nourri de rêves de revanches, aurais-je été de ces improbables consciences larmes au milieu d'un torrent? »

Pour conclure ce discours, je vais emprunter les paroles d'Yves Duteil sur la chanson des Justes :
" Une gare au petit jour, dans le froid et la peur et des soldats tout autour qui hurlent dans des haut parleurs. Les wagons refermés comme un tombeau, des mains se tendent à travers les barreaux mais leur appel est resté sans écho. On a compris bien trop tard l'horreur qu'ils ont vécue, la blessure dans les regards de ceux qui en sont revenus, les yeux couleur de cendre et de brouillard, des barbelés gravés dans leurs mémoires mais dans le cœur un indicible espoir.
Vivre un jour, une heure, là bas c'est braver le silence, dépasser la mort d'un pas devant ceux qui s'enivrent et dansent. Dans ce voyage infernal où tant d’âmes ont sombré, celui qui sauve une étoile
éclaire l'univers tout entier. Des lueurs que les justes ont allumé, la porte entrebâillé dans l'escalier
sur le dernier refuge inespéré, au jardin du souvenir des cailloux sont posés et les arbres ont beau fleurir à chaque printemps retrouvé, peut-on un jour apprendre à pardonner le désespoir, les larmes et les années que jamais rien ne pourra effacer, que jamais rien ne pourra effacer.

En mémoire de nos morts pour la France, en mémoire de tous nos ancêtres, des miens et des vôtres, en mémoire de ceux qui sont revenus sans jamais en parler et sans jamais oublier, en souvenir de ceux qui sont morts, en mémoire de nos soldats en combat au moment où je parle, en mémoire des peuples opprimés à travers le monde, en mémoire des disparus innocents lors des attentats des 7 et 9 janvier derniers à Paris, en mémoire d'Aurélie Châtelain et en pensée à sa fillette, en soutien à Serge Atlaoui, en mémoire de ceux qui ont perdu la vie au Népal, je vous demande de respecter une minute de silence.