Bienvenue sur mon blog!

Élue maire depuis 2 ans le 14 mars 2010, j'ai eu envie de raconter cette aventure sur un blog.
Certains autres Maires ont leur blog alors je me suis dit: Pourquoi pas moi? Voilà, c'est fait: j'attends vos commentaires, vos impressions et tout et tout...

En effet, c'est une véritable aventure que je vis depuis 2008! Une aventure humaine incroyable et une aventure personnelle passionnante!

mardi 8 mai 2018

8 mai 2018

La commune de Massillargues-Atuech vient de subir ces derniers temps des décès de figures du village, des femmes et des hommes au destin intéressant, des femmes et des hommes aux souvenirs incroyables et des citoyennes et citoyens engagés présents aux événements sur la commune et en particulier aux cérémonies commémoratives. Présence sans doute accentuée et effective par rapport aux événements que ces personnes ont dû vivre ou dont on leur parlait depuis leur enfance, ils ont grandi avec les anecdotes du père ou de la mère sur la Grande Guerre, ils avaient souvenance de leurs propres anecdotes de la deuxième guerre mondiale et puis le temps avance... Ceci me fait revenir sur le constat que je fais et que nombre d'entre vous doivent faire aussi sur la présence peu importante d'enfants, d'adolescents ou de jeunes adultes aux cérémonies commémoratives.

J'ai donc voulu que mon discours de ce 8 mai 2018 ait pour fil conducteur la transmission et le devoir de mémoire. Transmettre, c'est raconter une histoire, c''est raconter l'Histoire. Je vais donc vous raconter une histoire. Alors, j'aurais pu vous raconter l'histoire d'un des 55 millions de morts, d'un des 3 millions de disparus, d'un blessé parmi les 35 millions qu'a compté ce conflit meurtrier. J'aurai pu vous narrer l'histoire de jeunes femmes Andrée et Lucie lors de la deuxième guerre mondiale, Andrée et Lucie qui, chacune à leur manière ont frôlé la mort au contact d'allemands, à Massillargues-Atuech et à Euzet les Bains mais ces deux histoires, je vous les ai déjà racontées. J'aurai pu vous parler de mes parents nés quelques mois après la fin de la guerre 39-45, j'aurai pu vous parler d'histoires de résistance comme celles que mon grand père Franou me dévoiler à demi mots voilés ou par bribes dans nos échanges, j'aurai pu vous parler du déroulement de la bataille de la Madeleine comme Guy Pompairac peut m'en parler mais là, je vous laisse le plaisir d'en discuter avec lui.

Je vais juste vous narrer quelques instants de vie d'une enfant juive sous l'occupation et qui deviendra une belle dame. Elle se prénomme Mireille. L'histoire de Mireille est d'abord celle d'un grand nombre d'enfants du quartier juif du Marais alors voué aux ateliers textile. Cet enfant-là comme sans doute d'autres de cette époque ne comprend pas bien pourquoi dans la cour de récréation, on lui assène parfois des « sale juive », elle dont la religion est discrète dans sa famille. Mireille a 9 ans et porte l'étoile jaune le mercredi 15 juillet 1942 quand le secrétaire général de la police du gouvernement de Vichy, René Bousquet lance la chasse qui aboutira à l'arrestation de 13000 juifs, dont plus de 4000 enfants, qui seront rassemblés au vélodrome d'hiver puis envoyés dans les camps de la mort.
Ce mercredi 15 juillet 1942, c'est un matin d'été étonnamment froid : Mireille et sa mère sont parties faire la queue devant les rares magasins où elles ont encore le droit de s'approvisionner. Ce même jour est publié le décret interdisant les lieux publics aux juifs. Des voisins alertent Mireille et sa maman que des rafles sont en cours. Lors de la tristement célèbre rafle du Vel d'Hiv, le papa de Mireille n'échappera pas aux gendarmes de René Bousquet, il sera déporté au Camp de Gurs dans les Pyrénées. Mireille et sa maman réussiront à passer la ligne de démarcation. Des policiers les arrêteront mais le passeport brésilien de la mère de Mireille les sauvera, les policiers les laisseront passer. Ce même passeport sauvera le papa de Mireille qui libéré, retrouvera son épouse et ses enfants à Lisbonne. Après de nombreux déplacements, la famille retrouvera Paris en juin 1947. Persuadés que la famille de Mireille ne survivrait jamais à la guerre, les gardiens de l'immeuble avait pris possession de leur appartement.
Mireille est donc une survivante tout comme celui qui deviendra son époux en 1951, Kurt, rescapé d'Auschwitz. Mireille sera toute sa vie une voyageuse, elle voudra faire découvrir tous les pays à ses enfants en leur inculquant l'amour des différentes cultures. Mireille était ouverte, encore plus tolérante, elle parlait allemand, yiddish, anglais. Elle avait horreur d'un monde reclus sur soi. Elle voulait transmettre la générosité, la bienveillance, l'amour des autres et tant encore. Mireille était une épicurienne, bonne vivante, romantique, amoureuse. Dans son appartement parisien, elle aimait écouter la voix chaude de Mike Brant, son idole, la gouaille d'Edith Piaf et les mélodies de Cloclo. Mireille continue sa vie jusqu'à ce 23 mars 2018 où un petit garçon qu'elle connaît depuis l'âge de 7 ans devenu grand et pas très recommandable éteindra sa vie. Sans doute, par à rapport à son histoire, à ses souvenirs, Mireille ne supportait pas la violence, elle la comprenait encore moins. Elle n'était pas méfiante et les épreuves de la vie ne lui avaient pas enlevé le goût du bonheur jusqu'à ce terrible jour. Tout cela, tous ces événements, toutes ces valeurs, Mireille les a transmis à ses enfants et petits enfants. Pour en témoigner, pour son dernier Adieu, ses enfants avaient invités toutes les religions avec ces mots « si nos amis chrétiens, musulmans, noirs, protestants, si tout le monde vient, ce sera montrer qu'on n'est pas prêts à se résigner » et c'est ainsi que le 28 mars 2018, le peuple français était réuni main dans la main pour exprimer son émotion lors de la marche blanche hommage rendue à Mireille Knoll. Mireille Knoll, cette dame tuée chez elle quelques heures après l'attaque terroriste de Carcassonne et de Trèbes.
Mireille Knoll était de ces passeuses de mémoire, de ces citoyens anonymes qui racontaient les épreuves du passé, dures, éprouvantes et tristes, qui racontaient pour tenter de comprendre l'incompréhensible, pour tenter d'affronter les causes de ces drames et surtout pour tenter d'expliquer l'inexplicable pour qu'il ne se reproduise jamais.

« Je connais par bonheur un passeur de lumière amoureux des étoiles et curieux de la Terre...
Ça m'a fait tant de bien de savoir qu'il existe des hommes tels que lui qui souffrent et qui résistent.
Son regard bleu s'éclaire de sage et de marin posé sur l'univers, il m'a montré le chemin, sa passion pour hier mais à croire en demain... Défricheur de l'azur, l’œil toujours en alerte il marche à l'aventure, part à la découverte devant l'immensité qu'il nous reste à connaître.
A quoi sert de rêver si ce n'est pour transmettre. Lorsque l'élève est prêt arrive alors le maître...
A travers sa mémoire il m'a ouvert les cieux et m'a confié un soir : quand je serai trop vieux un jour j'y verrai moins et tu seras mes yeux. Jamais il ne s'endort sans saluer la nuit. Je bénis ce trésor partager avec lui mon passeur de lumière. Il éclaire ma vie »

Passeurs de lumière comme l'écrit si bien Yves Duteil, passeurs de mémoire... Je souhaite aux enfants, aux adolescents et aux jeunes adultes d'aujourd'hui, de croiser des passeurs de lumières, des passeurs de mémoire, à vous tous aussi, à nous tous, je nous invite à être à l'écoute de ces passeurs de mémoire pour ne pas reproduire les erreurs et les tragédies du passé. Passeurs de mémoire, c'est aussi ne pas banaliser le rejet de l'Autre, c'est stopper les blagues à la limite du supportable, c'est dire NON à des propos racistes, extrémistes dans des lieux qu'ils soient privés et encore plus publics, c'est ne pas accepter qu'un Président, fusse t-il, celui de la première puissance mondiale déborde par ses paroles, ses tweets ou ses gestes, c'est condamner fermement les propos racistes d'un chef d'escadron, c'est oser s'élever contre des cris d'animaux et des sifflets dans un stade de football et c'est tant d'autres gestes, mots et horreurs que l'on vit aujourd'hui malheureusement quotidiennement.
Soyez vous mêmes, par votre histoire, par votre patrimoine, par vos souvenirs, par vos aïeuls, par votre humanité, par votre solidarité des passeurs de lumières, des passeurs de mémoires pour nos générations futures.

En mémoire de nos morts pour la France, en mémoire de tous nos ancêtres, en mémoire de nos passeurs de lumière, en mémoire de ceux qui sont revenus sans jamais en parler et sans jamais oublier, en souvenir de ceux qui sont morts, en mémoire de nos soldats en combat au moment où je parle, en mémoire des peuples opprimés à travers le monde, en mémoire des victimes de l'antisémitisme, du racisme et du terrorisme en France et dans le monde entier, en mémoire de Jean Mazières, Christian Medves, Hervé Sosna, Arnaud Beltrame, Mireille Knoll mais aussi Sarah Halimi, Brahim Bouarram et trop d'autres, je vous demande de respecter une minute de silence.