Bienvenue sur mon blog!

Élue maire depuis 2 ans le 14 mars 2010, j'ai eu envie de raconter cette aventure sur un blog.
Certains autres Maires ont leur blog alors je me suis dit: Pourquoi pas moi? Voilà, c'est fait: j'attends vos commentaires, vos impressions et tout et tout...

En effet, c'est une véritable aventure que je vis depuis 2008! Une aventure humaine incroyable et une aventure personnelle passionnante!

mercredi 8 mai 2019

« Regarder l'autre, l'écouter, lui sourire, s'intéresser à lui, d'après moi c'est le commencement de l'être humain. » Soeur Emmanuelle


« Regarder l'autre, l'écouter, lui sourire, s'intéresser à lui, d'après moi c'est le commencement de l'être humain. » Soeur Emmanuelle

Vous connaissez mon attachement aux destins de vie, aux tranches de vie. Il me semble très important encore plus dans les discours officiels de commémoration de raconter des tranches de vie, des tronches de vie. Peut être parce que je me dis qu'ainsi, des personnes qui n'ont pas l'habitude de se déplacer pour les commémorations officielles parce qu'elles ont peur du rébarbatif auront plus à cœur d'être présent si le discours prononcé par un élu est vivant et lié à la vie et à l'actualité.
Aujourd'hui, ce n'est pas qu'une histoire que je vais vous conter, je vais vous remémorer l'Histoire avec un grand H en vous parlant de destins de femmes et d'hommes exceptionnels.

Tout d'abord, je vais vous narrer brièvement la vie d'une grande dame, Simone Veil, née le 13 juillet 1927 à Nice dans une famille juive non pratiquante. Sous l’occupation elle fait transformer son nom d’origine Jacob grâce à de faux papiers mais se fait malgré tout arrêtée avec sa famille par la Gestapo en 1944. Elle est alors transférée dans différents camps dont Auschwitz et Bergen-Belsen. Elle et ses deux sœurs sont les seules survivantes.
Après la guerre, elle entame des études de Droit et entre dans la Magistrature. En 1974, elle entre dans le gouvernement de Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en tant que ministre de la Santé, fonction qui lui permet de faire voter la loi sur l'interruption volontaire de grossesse dépénalisant l’avortement. Simone Veil a dû faire face alors à de nombreuses menaces et intimidations. Son parcours politique continue au Parlement Européen dont elle occupe le poste de Présidente de 1979 à 1982. En dehors de la vie politique, elle a été également Présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et en 2010 Simone Veil entre à la prestigieuse Académie française. Elle est décédée le 30 juin 2017, à l'âge de 89 ans et elle est entrée au Panthéon avec son mari Antoine le 1er juillet 2018.

Autres destins : Tout débute dans l’entre-deux guerres. Deux femmes d’une petite trentaine d’années, Marinette Guy, une jeune Lyonnaise, et Juliette Vidal, une jeune Stéphanoise, fondent l’Aide aux mères, une structure d’accueil et de prise en charge de mères en difficultés et de leurs enfants. Tout se passe à Saint-Etienne. Ce dispensaire va devenir l'un des rouages de la résistance locale, l’un des foyers de mise en sécurité de nombreux enfants juifs notamment, réfugiés en zone libre. Parents et enfants sont alors placés dans des familles dans la région stéphanoise, en concertation avec l’association juive OSE qui intervient en faveur des enfants qui nécessitent d’être cachés et mis en sécurité. Marinette et Juliette n’hésiteront pas également à se lancer dans la production de faux papiers pour les mères et leurs enfants, tout comme pour les groupes de résistants éparpillés dans les collines du département de la Loire.

A partir de 1942, des enfants sont transférés à Chamonix, dans un ancien baraquement d’EDF qui va faire office de colonie de vacances. Un lieu où les enfants parviennent, bon an mal an, à oublier la guerre et à vivre une vie presque normale. « Ils allaient se promener, ils faisaient des concours de ceux qui ramassaient le plus de myrtilles, ils lisaient par terre sur le trottoir. Et puis ils chantaient pour les fêtes, aussi bien à Noël que pour toutes les fêtes juives. » Au total, ce sont pas loin de 200 personnes qui ont pu être sauvées dont une cinquantaine qui ont pu passer en Suisse. A l’issue de la guerre, Marinette et Juliette retournent créer à Saint-Étienne une maison de famille pour accueillir des enfants juifs dont les parents sont morts dans les camps d’extermination.
Deux ans plus tard, elles prennent la direction du sud et s’établissent à Nice où Pierre, leur fils adoptif, grandit dans une ambiance pacifiée. Engagées mais discrètes dans leur engagement, Juliette et Marinette vont être reconnues "Justes parmi les nations" à la fin des années 60, à la demande de leurs protégés désormais installés en Israël. Depuis de nombreuses années, leur fils adoptif habite avec son épouse dans un chalet à Chamonix (Haute-Savoie) qui avait été offert aux deux femmes, bien après la guerre, par certains ex-protégés qui avaient décidé de se cotiser pour ce cadeau mémoriel.

J'aurai pu vous parler aussi, plus près de nous, d'Hélène et René-Louis Fabaron qui ont reçu, à titre posthume, la médaille et le diplôme de Juste parmi les Nations pour avoir recueilli Emmanuel Stern, un enfant juif, pendant deux ans à la Rode, à Saint Félix de Pallières. J'aurai pu vous raconter le destin d'Esther Bergman, la sœur d'Emmanuel Stern sauvé par Odette Hofbauer, habitante de Saint-Jean-du-Gard. J'aurai pu vous dévoiler tant et tant de tranches de vie, de tronches de vie, de tronches de vie engagées et discrètes, militantes de l'Humanité et de l'humanisme, combattants pour la Paix, cette paix si belle, si forte, si puissante et pourtant si fragile...

Pour terminer, je voudrais vous faire redécouvrir voire découvrir le poème de Robert Desnos, là aussi un homme au destin exceptionnel. Dans ce poème intitulé « Demain », par des mots simples et universels, Robert Desnos
décrit son engagement personnel dans la résistance puis incite ses lecteurs à se joindre à ce mouvement. Ce discours est exprimé dans un style simple et une structure qui peut sembler très classique, afin de généraliser et d’universaliser son message.

Âgé de cent mille ans, j'aurais encor la force
De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : la matin est neuf, neuf est le soir.

Mais depuis trop longtemps nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.

Avant de se quitter, je voudrais vous préciser que demain sera célébrée la fête de l'Europe, à quelques jours des élections européennes très indécises quant à la participation et aux alliances qui risquent de se former au Parlement à Bruxelles avec le triste avènement des extrêmes droite européennes. N'oublions jamais qu'un simple et si important bulletin de vote dans une urne peut changer toute une vie, peut faire basculer toute une démocratie.
Le 9 mai 1950, Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères français, prononce sa déclaration considérée comme le texte fondateur de la construction européenne où il propose la création d’une organisation chargée de mettre en commun les productions française et allemande de charbon et d’acier. Ce texte débouche sur la signature, le 18 avril 1951 du traité de Paris, qui fonde la "Communauté européenne du charbon et de l’acier" entre six États européens.
La CECA est la première des institutions européennes qui donneront naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui "l’Union européenne".

« L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » explique Robert Shuman dans sa déclaration.
« La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible (…). Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d’intérêts indispensable à l’établissement d’une communauté économique qui introduit le ferment d’une communauté plus large et plus profonde entre des pays longtemps opposés par des divisions sanglantes » ajoute-t-il.
C’est cette déclaration visionnaire que nous fêtons chaque année le 9 mai. C'est cette Europe de la Paix, c'est cette Paix, la Paix que nous souhaitons pour nos enfants que nous devons préserver. Ce sont les tragiques instants de la guerre 39-45, conflit le plus meurtrier de tous les temps en nombre de victimes (55 millions de morts, 3 millions de disparus, 35 millions de blessés, des veuves, des orphelins et des prisonniers par millions), ce sont ces dramatiques images, ce sont ces exceptionnelles tronches de vie que nous ne devons jamais oublier pour ne jamais reproduire les erreurs du passé.

Ne laissons jamais la peur de l'Autre, la peur de l'inconnu, la peur de l'avenir nous faire oublier que nous sommes tous des frères.
A l'ensemble des Justes, à ceux honorés, à ceux qui qui ont souhaité rester discrets, à tous ceux qui ne se sont jamais résignés, qui n'ont jamais abdiqué, qui espéraient la liberté ; aux Hommes qui se sont battus, à ceux qui sont tombés, aux autres qui ont enduré tant d'épreuves, combattu avec tant d'abnégation, nourri tant d'espoir, à toutes celles et ceux grâce auxquels l'humanité a pu de nouveau croire en son destin, je vous demande de respecter une minute de silence.