« Ce 8 mai ne
ressemble pas à un 8 mai.
Aujourd’hui, nous ne
pouvons pas nous rassembler en nombre dans les cimetières,
devant les monuments de nos villages, pour nous souvenir ensemble
de notre histoire.
Malgré tout, la Nation
se retrouve par la pensée et les mille liens que notre mémoire
commune tisse entre chacun de nous, cette étoffe des peuples, que
nous agitons en ce jour dans un hommage silencieux. »
En ce 8 mai 2020, dans le
contexte d'urgence sanitaire lié au Coronavirus, « c’est
dans l’intimité de nos foyers, en pavoisant nos balcons et nos
fenêtres, que nous convoquons cette année le souvenir glorieux de
ceux qui ont risqué leur vie pour vaincre le fléau du nazisme et
reconquérir notre liberté.
C’était il y a 75
ans.
Notre continent
refermait grâce à eux le chapitre le plus sombre de son histoire :
cinq années d’horreur, de douleur, de terreur. »
Malgré le format
restreint de cette cérémonie officielle, je suis émue d'être
entourée de vos élus républicains, des futurs anciens élus aux
futurs nouveaux installés et je pense à ceux qui sont restés chez
eux par principe de précaution.
Commémorer un 8 mai 1945
n'est pas anodin, cela doit rester un moment officiel peu importe le
contexte, avec la tenue symbolique d'un jour aussi important et d'un
jour qui devait ouvrir la voix de la Paix, une paix si fragile entre
les peuples, entre les Hommes. C'est pourquoi, j'ai souhaité vous
adresser quelques mots, quelques mots pour rappeler l'atrocité de
cette deuxième guerre mondiale, plus de cinq années d'horreur au
bilan dramatique : entre 50 et 80 millions de morts, plusieurs
millions de blessés et des pertes civiles (35 millions) innombrables
dans les bombardements, et bien sûr les victimes des génocides.
Il y a quelques années,
il y a plus de 35 ans, à l'âge qu'a mon fils aujourd'hui, 7 ans,
j'ai visité la Grotte de la Luire, dans le massif du Vercors avec
mes grands mères. Ces dernières, charmantes jeunes femmes durant la
seconde guerre mondiale, ont vécu des situations compliquées,
dramatiques à cette époque, sans réellement en parler, juste avec
des bribes de souvenirs quand une image leur revenait en mémoire. Ce
sont ces instants-là, leurs paroles qui me reviennent en mémoire en
vous parlant de la Grotte de la Luire. Ce voyage-là, cette histoire
racontée m'a suivi depuis et j'ai eu eu envie aujourd'hui
précisément de vous en parler dans mon discours.
Durant l'été 1944, le
porche de cette grotte a brièvement servi d'hôpital de fortune pour
les résistants des maquis du Vercors. Un drapeau de la croix rouge
était installé à l’entrée de la grotte afin de rappeler la
convention de Genève et de tempérer les troupes ennemies si
l’hôpital devait être repéré. Le 27 juillet 1944, ce site est
le théâtre d'une sanglante attaque lors d'un raid allemand contre
le maquis du Vercors. Cette attaque se solde par le massacre de 35
maquisards blessés, des médecins, du prêtre jésuite Yves de
Montcheuil, ainsi que par l'arrestation et la déportation de
l'ensemble du personnel soignant féminin.
Abnégation,
engagement, espoir, voici les valeurs qui caractérisent si fort
les infirmières et les infirmiers, les soignants au sens large du
terme. De toutes les périodes de l'Histoire, de notre histoire, on
peut trouver des traces de ces valeurs du personnel soignant.
C'est par un souvenir de
mon enfance que j'ai souhaité, en cette année si particulière, en
ce 8 mai si bizarre relier, faire un pont entre notre Histoire si
tragique de la seconde guerre mondiale et cette pandémie terrible
qui nous confine depuis bientôt deux mois. Le pont ne pouvait être
que ces héros du quotidien, ces soignants dans les hôpitaux, dans
les EHPAD, dans les centres Covid, nos médecins de ville et de
campagne, ces héros du quotidien de toute heure, de toutes les
peines quand les cœurs trop essoufflés s'éteignent et de toutes
les joies quand les malades guéris peuvent sortir enfin de
réanimation et « libérer » comme l'on dit un lit. Merci
à vous, merci à vous que certains, avant cette crise majeure, ne
voyaient pas à la grandeur que vous êtes, merci à vos gestes de
l'ombre qui éclairent nos vies.
En mémoire de nos morts
pour la France, en mémoire de tous nos ancêtres, en mémoire de nos
passeurs de lumière, en mémoire de ceux qui sont revenus sans
jamais en parler et sans jamais oublier, en souvenir de ceux qui sont
morts, en mémoire de nos soldats en combat au moment où je parle,
A Kevin Clément,
légionnaire de 1° classe engagé au sein de l’opération
Barkhane, et tombé pour la France ce lundi 4 mai 2020, lors d’un
accrochage avec des terroristes dans la région de Ménaka, au Mali.
A Dmytro MARTYNYOUK,
légionnaire du 1er Régiment étranger de cavalerie, engagé dans
une opération contre des groupes armés terroristes et atteint par
un engin explosif le 1° mai dernier.
en mémoire des peuples
opprimés à travers le monde, en mémoire des victimes de
l'antisémitisme, du racisme et du terrorisme en France et dans le
monde entier, en mémoire aux victimes de ce satané virus,
en soutien de nos héros
du quotidien, du ramasseur de nos poubelles au médecin réanimateur,
de l'aide soignante dévouée au restaurateur qui offre sa
marchandise restante au CHU de son territoire, en soutien aux
personnes isolées dans les hôpitaux et les EHPAD, je vous demande
de respecter une minute de silence.