Chers vous tous,
L’Affiche Rouge, les paroles de Louis Aragon, la musicalité de Léo Ferré et la voix d’ Arthur Toboul Feu Chatterton résonnent ce matin du 8 mai 2025 dans le cimetière de Massillargues Atuech comme elles ont résonné le 21 février 2024 lors de la panthéonisation du couple Manouchian, elles résonnent aujourd’hui pour nous recueillir, vous accueillir pour cette commémoration de la fin de la deuxième guerre mondiale au bilan dramatique et il est toujours important de le rappeler : entre 60 et 80 millions de morts, plusieurs millions de blessés, 30 millions d’Européens déplacés en raison des changements de frontières, surtout en Europe orientale. Ce conflit fut le plus coûteux en vies humaines de toute l'histoire de l'humanité. Environ 45 millions de civils sont morts et le nombre de victimes civiles est supérieur à celui des victimes militaires. Parmi les victimes, 6 millions de Juifs sont assassinés, ainsi que 220 000 tsiganes.
Le Rouge de la révolte, le rouge du communisme, le rouge de la colère, le rouge du sang et de l’horreur présent devant vous pour nous souvenir.
L’Affiche Rouge est une chanson qui nous rassemble. Un monument, un tombeau grandiose écrit par Louis Aragon et mis en musique par Léo Ferré, cette chanson déchire une atroce affiche de propagande qui résonne de manière macabre encore aujourd’hui par rapport à ce qu’on peut encore voir aux portes de l’Europe ou dans le monde dans une sphère de communication lugubre parfois.
Sur cette affiche rouge, une flèche rouge sang et des photos d’armes, de trains déraillés et de corps sans vie. Des portraits aussi, au nombre de dix et cernés par une question et sa réponse jetées aux yeux des passants: Des libérateurs? La libération par l’armée du crime! En réalité ils n’étaient pas dix mais vingt deux quand les fusils fleurirent lors d’un froid matin d’hiver le 21 février 1944. Ils étaient arméniens, espagnols, hongrois, polonais, italiens, roumains, la plupart communistes et juifs. Mais ils étaient tous français au point de se battre, de résister et de mourir pour ce pays, pour notre pays. Et c’est la peine capitale infligée par l’Allemagne nazie et Vichy qui a inspiré Louis Aragon dans ce poème l'un de ses plus bouleversants.
Ces strophes pour se
souvenir «Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes ni
l'orgue ni la prière aux agonisants. Onze ans déjà que cela passe
vite onze ans !
Vous vous étiez servi simplement de vos
armes, la mort n'éblouit pas les yeux des Partisans.
Vous aviez
vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit
hirsutes menaçants. L'affiche qui semblait une tache de sang Parce
qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur
sur les passant...
Nul ne semblait vous voir français de
préférence, Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant,
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants avaient écrit sous
vos photos MORTS POUR LA FRANCE"
Pourquoi parler en ce jour du 8 mai 2025 de cette période? Juste car je retrouve quelques ressemblances, la propagande, l’horreur des images et des mots, les réseaux sociaux deviennent comme des affiches où on se lâchent, où on jette en pâture l'Autre, celui que l'on pense différent, celui que l'on pense pauvre, celui que l'on pense riche, celui que l'on pense puissant, celui que l'on pense fragile, celui que l'on pense comme celui devant être rejeté, celui qui n'est en fait qu'un être humain, un frère de l'humanité... Et même aujourd'hui, dans ce monde fou, certains puissants de ce monde nous entraînent les uns contre les autres, juste parce que cela sert leur intérêt personnel.
Qu'est ce que la Guerre? Sinon cela, des personnes qui se montent la tête ou qui se laissent monter la tête... Ce n'est pas parce que l'on est juif qu'on ne peut pas pleurer un crime raciste, ce n'est pas parce que l'on est arabe que l'on peut accepter un acte antisémite, ce n'est pas parce que l'on est français que l'on peut dire n'importe quoi sur l'Autre, sur l'être humain en face de soi...
Alors, oui, il était important pour moi que ces mots empreints de douleur mais d'humanisme et d'espoir résonnent, ici, devant ce monument aux morts de Massillargues-Atuech.
Bien entendu et solennellement pour se souvenir de la deuxième guerre mondiale mais certainement aussi pour exprimer un mal être personnel et collectif sur un contexte géopolitique actuel mais aussi sur un contexte social complexe, difficile et fragile pour tous...
" Tout avait la
couleur uniforme du givre À la fin février pour vos derniers
moments... Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur
à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en
moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le
plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent,
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent, Toi qui vas demeurer
dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan"
Dans ces strophes pour se souvenir, un vers attire plus particulièrement mon attention " Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand"
A titre personnel, je voudrais avoir une pensée amicale et chaleureuse à celui qui aujourd'hui n'est pas face à moi à la lecture de mon discours, à celui qui par ces mots, ces récits de militaire et d'Homme, de grand Homme, m'a parlé d'Histoire, d'entente franco allemande et du fait de ne jamais avoir un esprit de revanche sur un peuple ou un autre, celui qui m'a exprimé que chacun avions notre histoire et que nous portions chacun en nous notre histoire. Je t'embrasse Jacky...
" Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent / Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps / Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant / Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir / Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant."
Se souvenir... Crier la France en s'abattant...
Robert Birenbaum, 98 ans, est parfois présenté comme le dernier résistant, lui qui s'est engagé dès ses 16 ans. Il se souvient lors de l' entrée au Panthéon de ses compagnons de résistance : « Vous savez, pendant la guerre, tout à fait au début, dans mon quartier, qui est maintenant Stalingrad, on m'a souvent traité de sale Juif. Ma grande fierté, ça a été le jour de la Libération de Paris, quand on m'avait vu sur une barricade et que je suis rentré avec ma mitraillette sur l'épaule, ceux qui m'avaient traité alors de sale Juif m'ont applaudi dans la rue. C'est des moments inoubliables. »
Se souvenir... Crier la France en s'abattant ou juste en se souvenant...
En souvenir d'Aboubakar Cissé, si jeune trop jeune pour mourir, en souvenir de toutes les victimes des guerres mondiales et en particulier en ce jour de commémoration de la deuxième guerre mondiale, en mémoire aux victimes civiles et militaires, à ceux qui avaient fait le choix et ceux qui ont été contraints, en souvenir à ceux qui se sont battus au prix de leur vie pour les valeurs de la République, aux Morts pour la France d'ici et d'ailleurs, je vous demande de respecter une minute de silence