Chers vous tous,
Vous
connaissez mon habitude à vous raconter des histoires lors de mes
discours. En ce 8 mai 2013, je vais donc vous raconter l'histoire
d'un enfant né le 20 octobre 1917, à Berlin, un peu plus d'un an
avant la fin de la 1° guerre mondiale. Cet enfant est né d'un père
polonais d'origine juive et d'une mère allemande dont les parents
ont eu beaucoup de mal à accepter l'amour de leur fille avec un
juif.
A
l'âge de 8 ans, cet enfant débarque en France avec toute sa
famille. Devenu adolescent, il est attiré par la philosophie. Après
un baccalauréat de philosophie obtenu à 15 ans et un passage à la
London School of Economics, il intègre l’École libre des sciences
politiques.
A
l'âge de 20 ans, ce jeune homme est naturalisé français. Deux ans
plus tard, il entre à l’École nationale supérieure et épouse
Vitia, une jeune juive russe. Ne se rappelant point de son propre
amour, la mère de cet adulte est contrariée par ce mariage et les
relations avec celle-ci s'en ressentiront durablement. Trois enfants
naîtront après guerre de cette union, Anne, Antoine et Michel.
Quand
la guerre éclate, il est mobilisé avec sa promotion de normaliens.
Résistant de la première heure, il est fait prisonnier et s’évade
en 1940. Il rallie Londres en mars 1941, aux côtés du Général de
Gaulle. Après plusieurs années en tant qu’agent de liaison, il
est envoyé en mission en France en 1944 où en mars, il sera arrêté
par la Gestapo dans le cadre de la mission Gréco devant organiser la
dispersion des émetteurs de la résistance. Dénoncé sous la
torture par un compagnon de lutte, il est arrêté à Paris le 10
juillet et, sous le supplice de la baignoire, il parle à son tour.
Il est alors déporté, en même temps que trente-six autres agents
secrets britanniques, français et belges, à Buchenwald. Seize
d'entre eux sont pendus le 11 septembre, onze autres sont exécutés
le 5 octobre. C'est alors que deux prisonniers qui avaient été
affectés aux expériences médicales (essais cliniques de
médicaments contre le typhus avec injections de l'agent pathogène),
opèrent des substitutions entre des agents secrets condamnés à
mort et des prisonniers morts du typhus. Notre résistant est alors
sauvé en prenant l'identité d'un de ces prisonniers mort du typhus
le 20 octobre 1944. En janvier 1945, après une tentative d'évasion
ratée, il est transféré à Dora où il échappe de peu à la
pendaison. L'avancée des armées américaines provoque, le 4 avril,
le transfert du camp vers Bergen-Belsen. Dans le train en marche, il
démonte deux lattes du plancher, glisse entre les bogies, rejoint
les lignes américaines à Hanovre. C'est de son régiment américain
qu'il est renvoyé à Paris, où il arrive le 8 mai 1945.
Une
fois la guerre achevée, notre résistant devient ambassadeur de
France à l’ONU, puis occupe divers postes de diplomate à travers
le monde et ce jusqu’en 1985. Grand défenseur des droits de
l’Homme, il participe en 1948 à la rédaction de la Déclaration
universelle des droits de l'homme. Tout au long de sa carrière, tant
diplomatique que politique, il se bat contre les injustices,
dénonçant tantôt les offensives israéliennes au Liban ou en
Palestine, tantôt le traitement réservé aux sans-papiers. Il fait
entendre sa voix et dénonce les revers de notre société moderne,
des écarts de richesses grandissants au manque d'humanité en
passant par la dictature des marchés financiers.
Cet
enfant, cet adolescent, cet homme, ce vieillard est décédé le 27
février 2013. Il avait 95 ans. Il s'appelait Stéphane Hessel.
Je
voulais vous raconter cette histoire, une histoire faite de drames et
de joies, riche de rebondissement, la vie de ce grand homme qui a
laissé un vide important dans notre quotidien.
Je
voulais en ce 8 mai 2013, vous parler de cet européen convaincu qui
a été fidèle à ses engagements et a défendu ses opinions
jusqu'au jour de sa mort. Il aurait pu rester au chaud dans des
bureaux mais il a rallié la Résistance au risque de perdre la vie.
Je
voulais en ce 8 mai 2013, honorer tous ces résistants qui, au péril
de leur vie, ont défendu notre liberté
Je
voulais en ce 8 mai 2013, en rappelant la vie de Stéphane Hessel qui
a échappé in extremis à la mort lors de la 2° guerre mondiale,
penser à tous ceux qui ne sont pas revenus, penser aux victimes de
la guerre 39-45, conflit le plus meurtrier de tous les temps :
55 millions de morts, 3 millions de disparus, 35 millions de blessés,
des veuves, des orphelins et des prisonniers par millions
En
ce 8 mai 2013, 68 ans après la victoire, j'emprunte les mots de
Stéphane Hessel qui s'adresse « à ceux et celles qui feront le
21ème siècle, nous disons avec notre affection : créer c’est
résister ; résister c’est créer ». En tant que citoyens du
monde, fidèles à nos ancêtres résistants, continuons à nous
indigner, à nous engager pour résister et créer ensemble !
En
ce 8 mai 2013, je tiens à souligner les faciles amalgames se
développant aujourd'hui, la violence verbale et puis physique
s'insinuant petit à petit dans certains débats
En
ce 8 mai 2013, je tiens à vous remémorer une nouvelle fois, en
Allemagne, l'arrivée au pouvoir démocratique d'Hitler en 1933
En
ce 8 mai 2013, je tiens à rappeler la fragilité de la paix dans le
monde, la richesse de notre diversité et le respect de nos
différences
En
ce 8 mai 2013, je tiens à préciser la peur qui est la mienne face
aux dérives quotidiennes vues ou entendues
A
la mémoire de nos résistants, à la mémoire de nos soldats de la
guerre 1939-1945, à la mémoire de nos morts pour la France, à la
mémoire de ceux qui se sont engagés et qui s'engagent de nos jours,
à la mémoire de ceux qui sont morts et meurent encore aujourd'hui
sous les coups de l'intolérance, de la folie, je vous demande de
respecter une minute de silence.
Trés beau message Aurélie. Christian.
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