Bienvenue sur mon blog!

Élue maire depuis 2 ans le 14 mars 2010, j'ai eu envie de raconter cette aventure sur un blog.
Certains autres Maires ont leur blog alors je me suis dit: Pourquoi pas moi? Voilà, c'est fait: j'attends vos commentaires, vos impressions et tout et tout...

En effet, c'est une véritable aventure que je vis depuis 2008! Une aventure humaine incroyable et une aventure personnelle passionnante!

mercredi 11 novembre 2015

Commémoration du 11 novembre

En ce 11 novembre 2015, je tiens tout d'abord à m'adresser à vous, Céleste Taillardat, Alexandre Bocquet, Camila Munoz et Imanol Chatron pour vous remercier de la lecture de ces textes, textes forts, poignants et qui prennent une valeur symbolique intense lus par vous.
Céleste et Alexandre ont lu une lettre de Poilu, Eugène.
Camila a énoncé les mots de l'écrivain allemand Erich Remarque tirés de son roman « A l'Ouest, rien de nouveau » paru en 1929 et qui décrit la Première Guerre mondiale vue par un jeune soldat volontaire allemand sur le front ouest. Symbole du pacifisme allemand, le roman devient rapidement un best-seller et est suivi d'autres romans aussi importants. En 1930, Erich Remarque sera pourchassé par les nazis en raison de son pacifisme. Il émigrera alors en Suisse puis aux États Unis. Lors des autodafés allemands de 1933, avec des dizaines de milliers de livres, ceux d'Erich Remarque seront publiquement jetés au bûcher par des étudiants, des enseignants et des membres des instances du parti nazi.
Imanol a lu, quant à lui, un texte de Roland Dorgelès tiré du roman « Les croix de bois » paru en 1919 et qui narre le quotidien des soldats de l'armée française pendant la Première Guerre mondiale. Le titre de ce roman fait référence aux croix de bois qui se trouvaient le long des chemins du front, croix de bois faites à la va-vite, et posées au-dessus des cadavres de soldats allemands ou français. Soldats inconnus, jeunes soldats, c’est en leur hommage que Roland Dorgelès écrit ce livre, c’est pour leur souvenir, leur mémoire.
Merci à vous quatre de m'avoir donné l'occasion de reparler de ces hommes, témoins ou narrateurs de cet événement tragique que fut la première guerre mondiale qu'on appelait la Der des Der. Merci à vos enseignants, Kathy Desplan et Eric Bastide d'avoir mis à égalité en ce jour de commémoration un simple inconnu, un Poilu, Eugène et deux écrivains allemand et français, deux écrivains de nationalité différente et pourtant deux écrivains combattant la même chose, la barbarie de la guerre et témoignant pour le souvenir d'atrocités qu'on ne voudrait jamais voir se reproduire.
Depuis que je suis Maire, cela est la première année que des enfants de l'école participent ainsi à cette commémoration et vous ne pouvez vous imaginer l'émotion que cela revêt pour moi. 101 ans après, quel symbole que vous rappeliez ces atrocités pour ne jamais oublier ?

Dimanche 28 mars 1915, l'hebdomadaire illustré Le Miroir indique « Nouveau bombardement d’Arras, capitale du Pas de Calais, avec des obus de tout calibre. Un commencement d’incendie a été rapidement éteint. Nos pionniers progressent à la Boisselle. En Argonne, jets de bombes de part et d’autre. En Alsace, nos gains sont caractérisés... Les pertes ennemies sont considérables. Nous avons abattu un avion allemand qui survolait la région de Manonvillers et capturé le pilote et l’observateur. »
Dimanche 28 mars 1915, Auguste Mignot, directeur d'école durant les années de guerre à Villers Marmery, commune viticole de la Marne, relate : « 28 mars 1915 / 8 heures Nous avons de nouveau établi notre dortoir dans la cuisine. Espérons que ce sera seulement pour une nuit.
18 heures / Pour échapper à un bombardement éventuel, nous partons promener dans la forêt à 14 heures. Beaucoup de personnes ont fait comme nous et tous se promettent de ne rentrer qu'après l'heure à peu près habituelle de la cessation du feu. Nous entendons beaucoup de canonnade. Il paraît que c'est Verzenay qui reçoit. On se demande dans quel état sera ce pauvre bourg. »

Dimanche 28 mars 1915, tout près d'ici, à Atuech, est en train de naître Franck GENOLHER que certains d'entre vous ici connaissaient, mon grand père. Il y a 100 ans, cela peut sembler loin, très loin pour vous, Céleste, Alexandre, Camila et Imanol. Pour moi, cela semble près. Mon grand père est décédé à l'âge de 91 ans, un bel âge paraît-il et moi, il m'a fallu faire ce discours aujourd'hui pour me rendre compte qu'il y a 100 ans qu'il naissait. Quand on a des personnes chères à son cœur à côté de soi, en pleine forme malgré un âge avancé, on ne se rend pas compte des années qu'ils ont vécu souvent très souvent des années dramatiques. C'était le cas pour mon grand père. Je le voyais fort, indestructible et je n'ai pas forcément pris le temps de lui parler des souvenirs de sa petite enfance, des souvenirs de l'âge adulte, il avait 30 ans à la fin de la deuxième guerre mondiale, de ces rappels de la résistance, du maquis.

Dimanche 28 mars 1915, des bombardements à Arras, des risques d'obus à Villers Marmery, des attaques à Verzenay et un bébé à Atuech. C'est cela la vie : des joies et des peines, des rires et des larmes, c'est cela la vie !
J'ai tenu précisément aujourd'hui, en vous parlant de la naissance de mon grand père dans le courant de l'année 1915, année la plus meurtrière de la Première Guerre Mondiale, donner un peu plus de relief, de concret à cette cérémonie officielle. En effet, après les commémorations du 11 novembre, il n'est pas rare que les journalistes posent la question de l'importance d'une commémoration quand le dernier Poilu est mort et que certains ont la sensation que ces guerres ne se reproduiront plus. J'ai donc voulu concrètement montrer que la première guerre mondiale n'est pas non plus si loin d'aujourd'hui. 101 ans qu'est ce que cela représente à l'échelle de l'humanité ? Pas grand chose. J'ai donc voulu concrètement vous dire de ne pas hésiter à parler à vos Aînés, à vous rappeler avec eux de ceux qu'ils ont vécu pour vous souvenir à votre tour et passer l'histoire, la vôtre, l'histoire familiale et puis l'Histoire avec un grand H. J'ai donc voulu concrètement vous inviter à être vigilant. J'ai voulu concrètement vous proposer de vous souvenir, se souvenir de ce passé pour qu'il ne se reproduise jamais. Je souhaite montrer que les commémorations du 11 novembre sont nécessaires et utiles à notre devoir de mémoire.
Quand je vois des images à la télévision dénigrant l'Autre, quand j'entends des paroles grossières, outrageantes d'hommes ou de femmes politiques, quand je vois des élus Maires utiliser leur fonction pour fabriquer de toute pièce un bulletin municipal de la honte, je me dis que ces journées comme aujourd’hui doivent perdurer le plus longtemps possible pour se souvenir de ce qui a engendré ces horreurs et ces barbaries.

1 400 000 morts, 740 000 invalides, 3 000 000 de blessés, des centaines de milliers de veuves et d'orphelins. Ce Monument aux Morts devant lequel nous nous inclinons aujourd'hui rappelle le souvenir de nos valeureux Aînés tombés. Dans le souvenir de leurs épreuves et de leur glorieux comportement, conservons à cette commémoration du 11 novembre 1918, la réelle dimension que nul n'a le doit d'effacer, d'amoindrir ou d'ignorer. Ils se sont battus pour un idéal de paix, de liberté et de fraternité. Ils sont morts pour la France !

Pour conclure, j'emprunterais les paroles de Robert Goldman pour parler de ce devoir de mémoire et de nos villages comme le nôtre, touché, bombardé, orphelin de ses enfants mais qui, plus fort que tout, s'est relevé de ses cendres, gardant le souvenir de ses luttes et de ses résistances...

Il ne me reste que des larmes, ces quelques notes venues d'autrefois et le chant de nos prières, nos cœurs qui espèrent et le vide sous mes pas.
Il ne me reste que les cendres de mon village plongé dans le silence.
Je ne suis qu'une blessure, un cœur sans armure. Comment survivre après ça ?

Mais je suis là, je n'oublie pas dans mon village balayé par l'histoire...
Je me souviens du rire des enfants, la voix des hommes quand ils partaient aux champs, les fêtes des moissons, l'odeur dans les maisons, les éclats d'amour et de joie.

Mais je suis là, n'oubliez pas. Effacée des cartes et des mémoires.
Quand ils sont arrivés, cachés derrière leurs armes, ils étaient des milliers, ils riaient de nos larmes !
Ils ont voulu détruire nos croyances et nos âmes avec des mots de haine que l'on ne connaissait pas.

Je suis ici ce soir au milieu de ces ruines pour vous parler d'espoir et vous chanter la vie. Et je fais le serment quand séchera le sang de reconstruire ma ville bien plus belle qu'avant
Mais n'oubliez pas !

Depuis quelques années, tous les « morts pour la France » hier dans la Grande Guerre, dans la Seconde Guerre Mondiale, dans les guerres de décolonisation, aujourd'hui, dans les opérations extérieures sont désormais réunis dans le souvenir et l'hommage de la Nation. Ne pas les oublier et transmettre le message mémoriel aux jeunes générations est notre devoir et relève de notre responsabilité collective.
En mémoire de nos morts pour la France, en mémoire de tous nos ancêtres, en mémoire de nos Aînés, des miens et des vôtres, en mémoire de ceux qui sont revenus sans jamais en parler et sans jamais oublier, en souvenir de ceux qui y sont morts, en mémoire de nos soldats en combat au moment où je parle, en mémoire des peuples opprimés à travers le monde et en France, en mémoire de ceux qui font tout au prix de leur vie pour passer des frontières ou pour traverser des océans et des mers, en mémoire d'Aylan et de tous les Aylan, en mémoire de ceux qui fuient leur village pour leur survie, en mémoire d'André Glucksmann, militant antitotalitariste et fervent défenseur des Droits de l'Homme, en mémoire d'Helmut Schmidt, ex chancelier de l'amitié franco allemande, je vous demande de respecter une minute de silence.



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