Extrait
d'un carnet de bord de la Grande Guerre
Samedi
11 novembre 1916
Au
nord de la Somme, nous nous sommes emparés de plusieurs éléments
de tranchées ennemies au nord-est de Lesboeufs et dans la région de
Saillisel. Une contre-attaque ennemie dirigée sur ce dernier point,
a été aisément repoussée. Nous avons fait des prisonniers. Au sud
de la Somme, bombardement continu des secteurs de Pressoir et
d'Ablaincourt. Sur la rive droite de la Meuse, grande activité des
deux artilleries entre les carrières d'Haudromont et Damloup. En
Orient, de nouvelles attaques bulgares ont échoué sur les positions
serbes, dans la boucle de la Cerna. Les avions anglais ont bombardé
les gares de Porna et de Pulgovo. Sur le front du Carso, les Italiens
ont avancé en faisant des prisonniers. Les Roumains ont livré de
violents combats dans la vallée de la Prahova. Action d'artillerie
dans la région de Dragoslovele. La bataille continue sur l'Olt. En
Dobroudja, les Russes sont arrivés à proximité de Cernavodo, ayant
gagné 60 kilomètres en cinq jours. Dans la région de Dorna-Vatra
(vallée de la Dysterse), ils ont dû évacuer quelques collines
qu'ils avaient précédemment occupées.
Samedi
11 novembre 1916 : M. Wilson est réélu président des
Etats-Unis.
Samedi
11 novembre 1916- Vendredi 11 novembre 2016 : 100 ans !
Cela semble si loin et pourtant 100 ans, c'était hier à l'échelle
de l'Histoire avec un grand H.
Le
hasard fait quand même étrangement les événements. Samedi 11
novembre 1916, au milieu de l'atrocité de cette Grande Guerre qui
devait être la Der des Der, Thomas Wilson, 28° Président des États
Unis est réélu pour son deuxième mandat. Alors, certains peuvent
s'étonner que je parle de ce 28° Président des États Unis ainsi
dans un discours. Or, aujourd'hui, dans le contexte mondial
que nous vivons, il était nécessaire pour moi d'être dans le
devoir de mémoire et d'indiquer ce qu'avait fait Thomas Wilson.
Thomas
Wilson, Président des États Unis lors de la Première Guerre
Mondiale, pacifiste a souhaité que les États-Unis restent neutres
dans la guerre entre l’Allemagne et les autres puissances
européennes Cependant, trois ans après le début du conflit, les
États-Unis interviennent massivement dans la guerre. La mobilisation
de l'économie et de l'industrie est totale et les volontaires
s'engagent pour rejoindre les conscrits dans l'armée. Le bilan
humain sera terrible pour ce pays.
En
janvier 1918, le Président Wilson prononce un discours au Congrès
donnant la liste des 14 points nécessaires à l’obtention de la
paix. Ce discours prononcé au nom du droit des peuples à disposer
d'eux mêmes réclame notamment la création d'une Société des
Nations. Les autres points serviront de base au traité de Versailles
de 1919. Le 11 novembre 1918, après la signature de l'Armistice, le
gouvernement allemand accepte d’ouvrir les négociations de paix à
partir des « 14 points » développés par le président Wilson. En
décembre 1918, Wilson embarque pour la France afin d’assister à
la Conférence de paix de Paris où il présentera la Charte de la
Société des Nations. C'est la première fois qu'un président
américain en exercice se rend dans un pays étranger durant son
mandat. En 1919, Wilson va parcourir les États Unis pour défendre
le Traité de Versailles et son idée de Société des Nations mais
il sera incapable de les faire ratifier. Malade, il n'aura pas la
force de continuer. En 1920, Wilson reçoit le Prix Nobel de la paix
pour son action pendant la Première Guerre mondiale alors que sa
popularité est pourtant au plus bas.
Le
devoir de mémoire c'est se rappeler les événements positifs mais
aussi négatifs donc je ne ferai pas abstraction du fait que Wilson
est à l'origine de l'illégalité du Parti Communiste mais aussi
qu'il possédait une idéologie ségrégationniste. A contrario, en
1916, il désigne à la Cour suprême des États-Unis (les juges sont
nommés à vie), un juge appartenant à la minorité juive et il met
en place le droit des femmes.
Les
principes wilsoniens peuvent être résumés en trois termes :
autodétermination des peuples, liberté et paix.
Vous
devez vous demander pour quelle raison j'insiste aujourd'hui si fort
sur le Président Wilson. En fait, quelque jours après l'élection
présidentielle aux États Unis et son résultat complètement
déroutant, j'avais besoin de parler d'un Président qui, dans une
guerre terrible et meurtrière a toujours tenté d'être le médiateur
voire le modérateur, d'un Président qui a toujours espéré
modifier radicalement l'ordre mondial, promouvoir les démocraties et
la paix.
L'histoire
est complexe, elle restera complexe parce qu'elle touche à l'humain.
Pour que l'histoire ne soit pas qu'une résurrection comme disait
Michelet, ayons à l'esprit ces leçons du passé, ces parcours
glorieux et exemplaires qui, dans l'épreuve, n'ont jamais flanché.
Comme
le disait Jean Jaurès, « maintenir la tradition, c'est garder la
flamme, non les cendres ». En France et plus particulièrement ici,
à Massillargues-Atuech, nous devons travailler ensemble pour garder
la Flamme et pour que le "plus jamais ça" puisse avoir un
sens partagé et approprié par tous, un sens véritablement
républicain.
En
ce 11 novembre 2016, nous sommes réunis pour rendre un hommage
appuyé aux hommes et aux femmes, tombés au champ d’honneur entre
1914 et 1918 et qui ont sacrifié leurs « 20 ans » pour que nous
soyons libres aujourd’hui. C’était il y a un siècle, mais les
images demeurent et doivent demeurer omniprésentes.
Avec
la première guerre mondiale, la France, l'Europe ont basculé dans
un autre monde dont l'héritage est encore vivace, ce monde ne s’est
finalement jamais remis des atrocités des deux conflits mondiaux du
XX° siècle.
65
millions d'hommes mobilisés. Des destins brisés: 8 millions et demi
de morts. 21 millions de blessés, 4 millions de veuves, 8 millions
d'orphelins. Voilà ce que fut le bilan de cette guerre abominable.
Suite au 11 novembre 1918, les puissances qui venaient de mettre ce
monde en charpie, se sont mis à parler de paix.
«
Plus jamais ça ! » ont-ils crié… Mais la mémoire des Hommes est
courte, laissant à nouveau libre cours à l’appétit du pouvoir et
du gain. Laissant la place à des meneurs qui brillent bien moins par
leur sagesse et leur empathie que par leur disposition à créer le
conflit, à répandre la peur et la haine, les rumeurs et la
propagande. Contrairement à une idée que certains propagent, une
guerre est-elle vraiment nécessaire pour préserver la paix ? Face à
de telles tragédies humaines, à l’image de la Première Guerre
Mondiale, on est en droit de se le demander. Chaque arme produite a
le pouvoir de se retourner contre son fabricant. Oui, la mémoire des
Hommes est courte !
C’est pour cette raison essentielle et considérable, que la mémoire de ces événements est un devoir. Que le souvenir et l’Hommage qui est rendu envers les victimes de cette Grande Guerre, comme de toutes les guerres, qu’importent le camp et les origines, doivent être à la fois maintenus et reconnus.
C’est pour cette raison essentielle et considérable, que la mémoire de ces événements est un devoir. Que le souvenir et l’Hommage qui est rendu envers les victimes de cette Grande Guerre, comme de toutes les guerres, qu’importent le camp et les origines, doivent être à la fois maintenus et reconnus.
En
ce 11 novembre 2016, jour de l’armistice, dont la définition est
un accord de suspension des hostilités entre deux armées, afin de
préparer la paix, que ce jour soit un écho du passé, pour honorer
la mémoire de nos « poilus », et placer leur espoir de paix parmi
nos plus grandes aspirations et motivations.
Commémorer,
c’est faire de l’éducation civique, de la pédagogie citoyenne.
La France n’est rien sans ce que les Français ont en commun.
L’histoire d’un pays, c’est le ciment de son unité. Et la
première guerre mondiale est l’instant le plus fort de l’unité
d’un peuple. Durant ces quatre années, les Français se sont
appliqués à rester unis.
Le
11 Novembre, c’est le souvenir de l’immense souffrance de nos
aïeuls qu’on a envoyés par milliers conquérir des morceaux de
collines, des bouts de paysage, des lopins de terre éventrés. Pour
pas grand-chose et parfois pour rien, au nom d’une gloire que
chaque communiqué des états-majors se doit d’illustrer. Comment
ne pas évoquer Verdun, bataille la plus gourmande en hommes de
toutes celles de l’histoire ? Qu’est-ce qu’une victoire
lorsqu’elle se solde par la mort de 360 000 de nos compatriotes ?
La
Première Guerre mondiale, c’est l’histoire d’une des plus
grandes souffrances humaines. Et c’est au nom de l’homme, de tous
les hommes, qu’il s’agit, par simple amour de la vie, d’en
garder la mémoire. Et tous les ans, un jour n’est pas de trop pour
faire vivre un souvenir comme celui-là.
Je
voudrais terminer mon discours sur les paroles traduites de la
chanson « Fragiles » qui débutera le concert de Sting au
Bataclan demain, un an après le drame dans la salle parisienne.
« Si
le sang s'écoule quand la chair et l'acier ne font qu'un en séchant
dans la couleur du crépuscule alors la pluie de demain lavera toutes
les taches. Mais une chose restera toujours présente dans nos
esprits, Peut-être que cette action finale était faite pour mettre
fin à la dispute d'une vie entière... Mais rien ne naît de la
violence et ne pourra jamais en naître pour tout ceux, nés sous une
étoile en colère de peur que nous oublions à quel point nous
sommes fragiles.
Sans
relâche, la pluie tombera comme des larmes d'une étoile, comme des
larmes d'une
étoile.
Sans relâche, la pluie répétera à quel point nous sommes
fragiles, oui à quel point nous sommes fragile.
Depuis
quelques années, tous les « morts pour la France » hier
dans la Grande Guerre, dans la Seconde Guerre Mondiale, dans les
guerres de décolonisation, aujourd'hui, dans les opérations
extérieures sont désormais réunis dans le souvenir et l'hommage de
la Nation. Face à la montée des intolérances, la multiplication
des actes racistes et antisémites en France, la menace terroriste
qui est réelle, les défis sont absolument majeurs et nous devons,
au-delà de nos différences cultuelles, culturelles, sociales et
politiques, mettre toutes nos forces pour combattre la haine de
l’autre.
En
mémoire de nos morts pour la France, en mémoire de tous nos aïeuls,
en mémoire de nos Poilus, en soutien à nos soldats en combat au
moment où je parle, en mémoire des peuples opprimés à travers le
monde et en France, en pensées émues aux citoyens de Syrie sous les
coups, les bombes et l'horreur de tortionnaires, en mémoire aux
victimes des attentats terroristes, je vous demande de respecter une
minute de silence.
Sans
relâche, la pluie tombera comme des larmes d'une étoile, comme des
larmes d'une
étoile.
Sans relâche, la pluie répétera à quel point nous sommes
fragiles, oui à quel point nous sommes fragiles.